Comment choisir la forme juridique adéquate pour son entreprise ?

Publié le par Essodéssam P. KOUYOU

Cette question, nombres d’opérateurs économiques ou de porteurs de projets se la posent quand vient le moment de mettre sur pied une structure pour l’exploitation de leurs activités. Et c’est à juste titre, car l’option pour une forme juridique donnée est très déterminante dans la survie de l’entreprise (on s'engage mieux quand on sait à quoi s'attendre) mais aussi dans son fonctionnement et même sa dissolution. Il convient donc toujours de mener une profonde réflexion qui mènera à la trouvaille de la bonne forme à adopter.
La majorité des entrepreneurs, faute de connaissance en la matière, se laissent entraîner par le suivisme et le copiage. Ce qui les conduit très tôt dans des situations qu’ils n’ont guère souhaitées. Le but de cet article est justement d’éclairer la lanterne des lecteurs et par leur truchement, apporter l’information nécessaire aux porteurs de projets voulant créer des entreprises, mais aussi aux propriétaires d’entreprises ayant en vue de les transformer d’une forme à une autre selon le but à atteindre. Ainsi, afin de rendre utile cette réflexion, nous ne nous encombrerons pas des théories fastidieuses.
La première distinction à faire est celle traditionnellement opérée entre une association et une société commerciale. Si l’on a en vue la réalisation d’un bénéfice et son partage, le choix sera fait parmi les formes de sociétés commerciales prévues par OHADA. Mais si l’activité menée est économique mais ne pas à un partage du bénéfice, il faudrait se tourner vers une association, qui elle, n’est pas régie par OHADA, mais par une vielle loi de 1901.

C'est donc le Droit de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires généralement connu sous son sigle OHADA, qui régit le droit des affaires dans les dix-sept (17) pays membres dont le Togo. Ce droit s’organise en différents Actes Uniformes qui à ce jour sont au nombre de neuf (09). Mais, c'est l’AUDCG (Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général), l’AUDSC (Acte Uniforme relatif aux sociétés coopératives) et l’AUSCGIE (Acte Uniforme relatif aux sociétés commerciales et Groupement d’Intérêt Economique), qui nous intéresseront à titre principal.
L’AUDCG régissant en grande partie l'activité commerciale en général et l'exercice individuel de l’activité commerciale prévoit deux statuts : le statut de l’entreprenant d’une part et celui de commerçant d’autre part. L’AUDSC lui, est relatif aux sociétés coopératives (Simplifiée et avec Conseil d’Administration). Quant à l’AUSCGIE qui s’occupe des sociétés commerciales, il prévoit cinq (5) formes sociales dotées de la personnalité morale telles la SNC (Société en Nom Collectif), la SCS (Société en Commandite Simple), la SARL (Société à Responsabilité Limitée), la SA (Société Anonyme), la SAS (la Société par Actions Simplifiées. A ces sociétés s’ajoutent le GIE (Groupement d’Intérêt Economique) ; il reconnait d’autres comme : la société en participation, la société de fait et la société créé de fait qui elles, sont dépourvues de personnalité juridique c’est-à-dire que rien ne peut être fait au nom d’une telle société et elle n’a aucun droit en tant que société.
Il existe d’autres formes de sociétés qui dépendent d’une manière ou d’une autre d'une autre société appelée société mère : la filiale, la succursale et le bureau de représentation ou de liaison.

C’est parmi toutes ces formes que le choix devra être opéré.
Mais pour faire un choix de manière éclairée et lucide, il importe de se poser un certain nombre de questions pertinentes: Ai-je un capital pour démarrer mon activité ? Voudrais-je investir seul ou avec des associés ? Voudrais-je engager tout mon patrimoine ou juste une partie ? Voudrais-je immatriculer mon entreprise ou pas ? Voudrais-je choisir une forme sociale préétablie par OHADA ou pas ? Quel est le capital que je veux ou peux engager ? Quel titre voudrais-je porter entant que dirigeant ? Voudrais-je faire un appel public à l’épargne ? Quel niveau de marge de manœuvre voudrais-je avoir ?

1. Ai-je un capital pour démarrer mon activité ?
Il faut tenir compte du fait que l’on dispose d’un capital à investir identifiable ou non pour choisir la forme la plus adaptée (le capital est composé de numéraires c'est-à-dire l'argent en espèce ou et de biens en nature ou et des apports en industrie). En effet, si l’on a un capital minimum de 100 000 F CFA, la création d'une SARL est possible.
Si le capital atteint 10 000 000 F CFA, l’on a la possibilité de créer une SA.
Si vous voulez engager un capital mais vous soulez être libre dans le choix du montant, une SAS, une SNC ou une SCS sera la bienvenue.
Mais si vous ne disposez d’aucun capital ou vous ne voulez engagez aucun capital, alors c’est une entreprise individuelle ou une SNC ou SCS qu'il vous faut.

NB: Pour les formalités de création 2% des apports en numéraires et 4% des apports en nature composant le capital seront versés pour l’enregistrement des statuts en plus des frais du CFE.

2. Voudrais-je investir seul (individuel, associé unique) ou avec des associés ?
Vous avez la possibilité d’investir seul aussi dans le cadre d’une société et en dehors d’une entreprise individuelle. Mais le choix de sociétés à associé unique est limité à deux types de sociétés : la SARL, la SA et la SAS.
Quand elles sont créées par un seul associé elles prennent la dénomination de SARL U ou de SA U ou encore de SAS U selon la forme choisie.

3. Voudrais-je engager tout mon patrimoine ou juste une partie ?
Si vous voulez engager tous vos biens dans votre entreprise en sorte qu’en cas de faillite ces biens servent à payer les créanciers, et que vous puissiez être poursuivis jusqu’au dernier de vos bien, alors optez pour une entreprise individuelle, une SNC ou être un associé commandité d’une SCS. Dans ces entreprises votre responsabilité est illimitée et solidaire. Solidaire.
Par contre si vous voulez limiter votre responsabilité à une partie de vos biens alors vous pouvez choisir une SARL, une SA ou une SAS ou être associé commanditaire d’une SCS.

4. Voudrais-je immatriculer mon entreprise ou pas ?
Vous avez la possibilité de créer une société tout en prévoyant dans les statuts de ne pas la faire immatriculer au RCCM : c’est ce que le droit OHADA appelle la société en participation.
Une telle société n’a cependant pas de personnalité juridique qui permettra par exemple à ses dirigeants d’agir en son nom. Chacun des associés agit en son propre nom en son nom personnel. Toutefois, si les associés agissent expressément en leur qualité d’associés à l’égard des tiers, alors ils sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales c’est-à-dire que l’un d’eux peut être poursuivi pour le paiement de toute la dette (généralement le plus solvable) et il pourra se retourner après contre les autres (action récursoire).
Nous déconseillons fortement ce genre de sociétés, car les associés n’en tirent aucun avantage mais supportent tous les inconvénients.

5. Voudrais-je choisir une forme sociale préétablie par OHADA ou pas ?
Nous avons dit plus haut qu’OHADA a prévu des formes sociales ; mais les futurs associés peuvent décider de ne pas choisir parmi elles, la forme sociale pour leur entreprise. Ils vont alors imaginer une nouvelle forme ; ou alors ils choisissent une forme OHADA mais dont la constitution comporte un vice: c’est la société de fait.
Ils peuvent aussi décider se comporter comme des associés sans suivre la procédure pour la création d’une société: c’est la société créée de fait.
Cependant l’une et l’autre ne respectant pas les normes, elles ne peuvent pas être immatriculées au RCCM. Elle se comporte comme la société en participation avec tous les inconvénients.

6. Quel est le capital que je veux ou peux engager ?
Si vous voulez créer une société, vous avez le choix entre celles qui pour lesquelles la loi prévoit un capital minimum, et celle autres ou le capital est librement déterminé ou n’est pas exigé.
Si vous avez moins de 100 000 FCFA, vous pouvez créer une SNC, une SCS, une SAS ou une société coopérative.
Si vous avez un capital d’au moins 100 000 FCFA, vous avez la possibilité de créer une SARL, une SNC, une SCS, une SAS, une société coopérative mais pas une SA.
Si vous avez au moins 10 000 000 FCFA, vous avez alors la possibilité de créer une SA ou toutes les autres sociétés. Mais vous ne pourrez pas faire un appel public à l’épargne.
Seule une SA avec un capital minimum de 100 000 000 FCFA, peut faire appel public à l’épargne.

7. Quel titre voudrais-je porter entant que dirigeant ?
Pour certains créateurs d’entreprises, le titre à porter en tant que dirigeant social est très important. Or en droit OHADA, on ne peut choisir librement le titre du dirigeant. Le titre porté dépend de la forme de la société à diriger.
Ainsi, pour une entreprise individuelle, une SNC, une SCS, une SARL, le dirigeant est appelé : GERANT
• Pour une SAS, le dirigeant est un Président.
• Pour une société coopérative c’est le Comité de Gestion qui dirige pour une Société coopérative simplifiée (SCOOPS) et le Conseil d’Administration pour une société coopérative avec CA.
• Pour une SA cela dépend du type d’administration choisi :
- Pour une SA sans Conseil d’Administration, le dirigeant est un Administrateur Général.
- Pour une SA avec Conseil d’Administration deux cas se présentent :
Si c’est le même dirigeant qui président le CA et dirige la société, alors c’est un Président Directeur General (PDG).
Par contre si l’un préside le CA seulement, il sera Président du Conseil d’Administration (PCA) et l’autre qui dirige la société sera le Directeur Général (DG) qui peut avoir un Directeur Général Adjoint.

8. Quel niveau de marge de manœuvre voudrais-je avoir ?
Pour les opérateurs soucieux de satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs, au moyen d'une entreprise dont la propriété et la gestion sont collectives et où le pouvoir est exercé démocratiquement et selon les principes coopératifs, une société coopérative serait adéquate.
Mais il n’existe pas de cloison étanche entre les formes d’entreprise car il existe une passerelle entre elles permettant d’aller d’une forme sociale à l’autre par le biais de la transformation dans le respect des règles applicables à chaque forme de société. La transformation de la société est l’opération par laquelle une société change de forme juridique. Mais ceci n’entraîne pas le changement de la personnalité juridique. Généralement elle ne peut être possible avant deux (02) années d’exercice.
Il faut retenir que la transformation d’une société dans laquelle la responsabilité est limitée aux apports (SARL, SA, SAS) en une société où la responsabilité est illimitée et solidaire (SNC, en partie dans les SCS), requiert que les associés décide à l’unanimité.
Il y a aussi possibilité pour deux ou plusieurs sociétés de devenir une seule : c’est le phénomène juridique de la fusion. Cette dernière peut se faire par absorption ou par création d’une société nouvelle.
Il y a aussi possibilité pour une société de s’éclater en deux ou plusieurs sociétés : c’est la scission.
Voilà en résumé ce qu’il faudrait savoir avant de prendre sa décision. Et si l’on ne cherche pas suffisamment d’informations, tout un rêve peut se transformer en un cauchemar lorsqu’on se trouvera devant le fait accompli.
Cependant, le sujet est tellement vaste que la page d’un numéro de journal ne suffirait pas à le décortiquer exhaustivement. Il est donc important de solliciter les conseils plus personnalisé d’un juriste.

KOUYOU P. Essodéssam, Juriste d’entreprise & Gestionnaire des Ressources Humaines
Responsable de MANGBAGNIM Consulting SARL U (sise Lomé-Logopé, à proximité du complexe scolaire GALICHA
Cel : 90 78 68 53/ 22 33 93 52/ 98 80 04 31

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